Du 15 au 18 mars 2010 Stage de broderie « Jours Anciens » à Cilaos.
Lundi 15 mars
En route vers Cilaos
6h45 départ pour Cilaos. Le Ouaki est toujours fermé, je passe par Saint Louis pour rejoindre le cirque. Peu de circulation à cette heure. Beaucoup d’eau dans le Bras de Cilaos, quelques roches sur la route, mais rien de bien méchant. Quand j’ai passé les rampes rocheuses, je me sens mieux. Les paysages sont toujours aussi étonnants et je peux m’arrêter quand je veux, la route est à moi. Je passe souvent la première, impossible de conduire en troisième. J’en profite pour m’arrêter de temps en temps et photographier : d’abord le rocher de Peter Both, puis le hameau de Palmiste Rouge. A la sortie du troisième tunnel, la vue est magnifique. En approchant de Cilaos, la chaussée est humide par endroits, même les tunnels sont humides. Je croise deux bus vers 8 heures du matin. Me voilà arrivée après 1h20 de route - quelques centaines de virages -
Sur la RN3 en direction de Cilaos
Cilaos se situe à 1214 m d’altitude. Je gare la voiture devant la Maison de la Broderie, photographie la ittoresque Maison de Justice, située juste à côté, et vais faire un tour dans la rue principale. La poste est déjà ouverte, la gendarmerie aussi : j’en profite pour remplir la procuration pour le 2e tour des élections. Le gendarme craint que le courrier n’arrive pas en métropole en une semaine…
STAGE DE BRODERIE : ma première journée
A 8h30, Suzanne Maillot est déjà dans l’atelier de broderie, elle m’accueille, c’est un petit bout de femme tout sourire…Je lui tends les carrés de cretonne que j’ai achetés, elle choisit ceux dont l’ourlet est le plus fin.
Dans un carré de lin blanc elle me fait tirer des fils de contour pour faire la trame : des carrés et des piles. Avant de fixer le tissu sur le tambour, il me faut coudre mes carrés de cretonne autour de ce lin blanc... Mon professeur me conseille d’ acheter un tambour sans vis dans la boutique de M. Ismael ; en attendant elle me prête le sien.Ce tambour de 35 cm de diamètre est fabriqué à Bras Sec. Il est soit en bois de fleur jaune, soit en bois de margousier.
Une fois le tissu tendu, je tire les fils intérieurs puis elle m’explique le point de petite grille, essentiellement des points noués, le travail demande concentration, minutie, on compte sans arrêt. Pendant la séance des touristes visitent le magasin et s’informent sur les points, les matériaux, le prix des réalisations.
On y confectionne des mouchoirs, sous-verres ( objets les plus vendus ) napperons, chemins de table, nappes, tabliers, robes de baptême, brassières…Ce qui est le plus vendu c'est les sous-verres, sûrement en raison du prix.
Il est vrai que ces ouvrages d'art ne peuvent être bradés : ainsi le napperon ci-contre qui a demandé une semaine de travail (à raison de 6 heures par jour) se vend 95 euros.
En général, les brodeuses travaillent le lin, parfois la soie. Une vingtaine de brodeuses s’activent chez elles pour l’Association, uniquement sur commande. Dans l’atelier, 4 salariées sont à l’oeuvre : Suzanne, Régine, Jacqueline et Dalida.
Les jeunes, hélas, ne s’intéressent plus à ce travail.
Suzanne Maillot explique que cette Association créée dans les années 83 rencontre actuellement des difficultés. Le chikungunya en 2007 a fait beaucoup de tort à l’atelier, qui voyait défiler avant cette épidémie une centaine de visiteurs par jour. Or le moustique n’a pas sévi à Cilaos. Avant la crise, la préfecture, les administrations commandaient des articles de broderie de Jours de Cilaos, mais rigueur oblige. Suzanne raconte aussi que le bâtiment prend l’eau et aurait besoin d’un coup de rénovation pour être plus engageant : la municipalité leur a mis ce local à disposition, mais n’assure pas régulièrement son entretien. : les néons clignotent et fatiguent les yeux.
Ce qui attire le touriste, à Cilaos, c’est évidemment la broderie, et la randonnée, et une fois par an la Fête de la Lentille. Mais on délaisse l’artisanat : pas de subvention de la municipalité, ni du Conseil Général. Heureusement que les visiteurs payent 1 euro de prix d’entrée.
L'ex - député du Tampon aurait bien aidé la Maison de la Broderie. Une femme de chef d'Etat aurait acheté sur ses deniers une nappe et des serviettes pour une somme très importante, geste qui a marqué l’association.
En bavardant avec Suzanne Maillot, voilà ce que j'ai appris ce jour - là :
"A l’âge de 9 ans, elle a commencé à broder, sa maman et sa sœur brodaient déjà. Son père était cultivateur, il cultivait la lentille, mais avait aussi une basse-cour. Quand c’était la saison de la récolte, toute la famille était à pied d’œuvre. Et quand le voisin commençait à son tour, on prêtait aussi main forte.
Suzanne s’ est mise très vite à la broderie. Plus tard, elle a formé les brodeuses de Cilaos. Grâce à son talent, elle a eu la chance de voyager. Elle est élevée au Grade de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite en 1990 puis obtient le titre de Meilleur Ouvrier de France en 1993
Les gens ne restent pas à Cilaos, ils vendent leur maison. Ils préfèrent descendre avec les enfants et s’installer sur le littoral, bien qu’il y ait des écoles ici. Mais au village, le week-end on ne peut trouver aucun médecin. L’autre problème est la route : souvent elle est coupée et dangereuse et les gens en ont assez de faire le trajet pour aller au travail. Cela n’empêche que bon nombre de Cilaossiens font la navette, ou restent absents cinq jours, ne rentrant qu’en fin de semaine."
Pause à midi, je vais manger au Randonneur, menu du jour pour 11,50 euros. La terrasse se remplit. Le serveur ne me fait pas payer le litre d’eau. Je retourne à l’atelier à 13 heures.
Je vais me présenter au gîte 1 épi que j’ai réservé pour 3 nuits au 50 rue Saint Louis, et dépose ma valise. Ce doit être le premier gîte de Cilaos. Mme Gardebien, la propriétaire me montre les lieux.
L’après-midi, je continue à broder la petite grille qui borde le napperon. Pas question de faire d’erreur, sinon on défait l’ouvrage. Et pendant cette activité qui fait oublier le temps, nous continuons à bavarder. Il fait très chaud dans l’atelier, une chaleur peu habituelle pour la saison. On transpire à grosses gouttes.