Parfois, au bord des routes, à certaines périodes de l’année, on voit des stands sur lesquels on a disposé des feuilles, on s’approche et on constate qu’on y garde au frais des alevins gris. Ce sont les fameux « bichiques ».
Les périodes de pluies sont favorables aux remontées des bichiques, qui ressemblent à des poissons de friture. Ces alevins sont les « petits » des poissons de mer appelés « cabots ». Ces derniers se reproduisent dans les rivières, mais au moment de la ponte, ils gagnent la mer où les oeufs éclosent. Puis les alevins quittent l’océan et se regroupent dans les embouchures pour les remonter grâce à leur ventouse ventrale. Cette ventouse très efficace leur permet également de grimper les parois rocheuses des cascades de plusieurs dizaines de mètres de haut.
On les pêche traditionnellement trois à quatre fois par an. Ainsi la Rivière des Roches, sur la côte Est de l'île, est un haut lieu de la pêche aux bichiques. L'embouchure de la rivière est divisée en canaux de 3 mètres de large. Chaque pêcheur possède son entrée de bichiques, une concession attribuée par la municipalité qu’il surveille nuit et jour.
Au Sud de Saint Denis, à deux pas de l’aéroport, à l’embouchure de la Rivière des Pluies, nous avons croisé des pêcheurs qui avaient installé là leur campement de fortune : chacun avait un petit abri bâché sous lequel il entreposait sa pelle, sa timbale, sa nasse…
Ci-contre plusieurs abris disséminés sur les galets
Ils positionnent dans les canaux des galets afin de maintenir des nasses coniques en osier ou en bambou, cocotier ou raphia tressées, appelées vouves (du malgache "vovo" signifiant "piège").
Ici, un pêcheur creusant la terre pour préparer l'emplacement des galets. Il regarde passer, non pas les bichiques, mais les "Jolis Pas"
La taille de ces vouves est variable, elle est comprise entre 1m20 et 1m80. Cette méthode de pêche est aujourd'hui concurrencée par des techniques plus radicales: les nouvelles vouves sont en filet de nylon, style moustiquaire, fixé sur un arceau métallique.
Les pêches intensives des braconniers, et la pollution provoquent une disparition progressive des bichiques. Afin de palier cet inquiétant phénomène, les autorités viennent de mettre en place une « fédération des pêcheurs de bichiques de la Réunion », qui travaillent sur l'élaboration d'un règlement afin de préserver au mieux cette pêche traditionnelle.
Au fil des années, le bichique devient rare, précieux et par conséquent très coûteux. Ce « caviar » très prisé par les Réunionnais se vend à des prix allant jusqu’à 50 euros le kilo !