L’idée d’entrer au Palais de Justice de Saint Pierre, ne me serait jamais venue. Quand la Présidente de l’UPTS a évoqué cette possibilité pour les adhérents intéressés, j’ai posé ma candidature.
Nous sommes donc une vingtaine de personnes à nous présenter le jeudi 24 novembre devant le bâtiment vers 7h45. Après avoir franchi règlementairement la zone du détecteur, nous nous regroupons autour de M. Gardie.
Audiences en correctionnelle
Nous passerons deux heures dans la salle d’audience du tribunal correctionnel (audience publique). Le premier rang est réservé aux avocats, nous nous asseyons derrière eux. A gauche entre la salle et le premier banc se trouve un petit bureau pour les journalistes. La salle est austère, le mur du fond derrière l'estrade réservée aux juges est vert sapin. Le plafond est haut et au fond tourne le moteur d'une clim plutôt bruyante et peu efficace : l'endroit n'était particulièrement agréable, assez conforme à cette vieille institution, si bien croquée par Molière. ( Photos interdites à l'intérieur du bâtiment)
A huit heures pile, une sonnerie retentit : un juge entre, l’assistance et les magistrats se lèvent. La séance débute par un va-et-vient de robes noires : plusieurs affaires sont renvoyées à une date ultérieure, pour diverses raisons (impossibles à comprendre, tant l’acoustique est déplorable). Une sonnerie rythme les entrées et sorties des juges, et annonce ainsi le début et la fin de chaque séance.
Nous avons l’occasion de suivre trois affaires.
D’abord, le tribunal rend ses délibérés au sujet d’une affaire mettant an cause une entreprise, dont un ouvrier a succombé pour des défauts de sécurité. L’employeur accusé d’homicide est condamné entre autre à verser une somme à la famille. J’ai été surprise par la précision de la ventilation de l’amende : 15000 euros pour chaque parent, 7000 euros pour chaque frère et sœur, 5000 euros pour la grand-mère…
Puis deux gendarmes amènent un condamné menotté. Après lui avoir ôté les menottes, ils escortent l’homme à la barre. Le prévenu est un Tamponnais accusé d’agressions sexuelles en 2009. Tout en clamant calmement son innocence, il ne sait expliquer pourquoi il a refusé à plusieurs reprises de se soumettre à l’obligation de communiquer son adresse. En vertu d’un article cité par la cour, ce dernier écope de quatre mois de prison ferme, et le juge lui signifie qu’il peut faire appel de cette décision dans un délai imparti.
Puis c’est au tour de trois pompiers dont un professionnel et deux volontaires accusés de non-assistance à personne en danger lors d’un événement survenu dans un foyer de Trois Bassins ( bagarre entre jeunes pris de boisson alcoolisée et forces de l’ordre). Un des deux gendarmes avait signalé que les pompiers appelés à la rescousse seraient restés passifs lorsque l’un d’eux était en difficulté. Aucun des gendarmes n’est présent à l’audience. Les interventions du procureur et celles de l’avocat sont animées et longues. La présidente clôt la discussion en affirmant que le jugement serait rendu à la mi-décembre.
J’étais mal à l’aise lors de cette audience. Pas de sentiment, ici on étudie froidement les cas. Et surtout ce que j’ai eu du mal à comprendre, c’est que le procureur qui n’était pas en possession d’un dossier qui allait être examiné demande un délai une suspension d'audience et au bout de dix minutes, il est de retour, prêt à requérir !)
Visite des lieux
"La salle" des Pas Perdus
Entrée dans l'antre du Palais de Justice
M. Gardie nous invite ensuite à quitter la salle d’audience et à découvrir la salle des pas perdus (qui est une terrasse en plein air). Dans un couloir, d’où nous parviennent le bruit des engins de chantier dans la Rue Archambaud, il nous explique les spécificités de chaque tribunal.
Enfin, nous nous retrouvons dans une salle tout aussi austère où notre hôte fait un rapide historique de la Justice et de ses institutions. Il situe les magistrats dans la salle : procureur à gauche, juges au milieu, en insistant sur le rôle du greffier, à droite, dont on n’a pas la possibilité de faire l’économie, car seuls les jugements dont les conclusions sont notées par ce secrétaire sont valables. Là aussi je me demande comment un greffier peut travailler sans dictaphone, cela lui simplifierait bien la vie et il n’oublierait rien.
M. Gardie précise qu’un littéraire a du mal à comprendre un juriste : l’étude des textes n’est pas la même. Des subtilités peuvent échapper au linguiste. Ainsi, on pensera qu’une personne qui distribue des tracts le jour des élections est condamnable, parce qu’un texte de loi le dit. Mais le juriste veillera à savoir si cette distribution s’est faite devant un bureau de vote, combien de tracts l’accusé possédait, et regardera si cela a eu une influence sur le résultat des élections. On modulera ou on classera le dossier en fonction de tous ces paramètres. Pas si simple ! Nous avons abordé bien d’autres sujets qu’il serait long de rapporter ici.
En tout cas, ce déplacement ne me donne aucune envie de revenir sur les lieux, même pour une audience publique ! Je suis néanmoins satisfaite d’avoir vécu ce moment pour pouvoir en parler.