Sur le site de l’ancienne sucrerie de la Ravine Glissante (au nord de Ste Rose) Emilien Pierrard, un jeune homme passionné par son job m’invite à découvrir les réalisations du CHAM.
Les six tailleurs « en formation » qu’il encadre préparent la journée du Patrimoine. Ils présenteront en septembre une de leurs réalisations : un encadrement de porte constitué de 10 pierres taillées empilées, liées par de la chaux ( 1 volume de chaux hydraulique pour trois volume de sable, mélange mouillé). Une plate-bande (linteau constitué de plusieurs pierres) surmontera la construction.
M. Pierrard, très pédagogue, me familiarise ensuite avec les outils des tailleurs de pierre. Si les hommes utilisent la meuleuse pour couper les gros blocs, ils font les finitions avec des objets de spécialistes : le ciseau, la laye... Avec la boucharde dont on peut changer les plaquettes, on donne à la pierre lisse un aspect vieilli, bosselé. Lalaye est peu utilisée sur le basalte, on l'emploie sur des pierres tendres.
Comme les ouvriers sont autonomes et ont eu des consignes précises ( le plan de l’exécution est affiché sur la porte du bâtiment), le responsable m’accompagne sur le site de l’usine pour me donner des explications très intéressantes.
Nous nous approchons des quatre chaudières situées au pied de la cheminée. Un morceau d’alambic est adossé contre un des murs qui n’est pas encore pris d’assaut par les racines d’arbres. Incroyable comme la nature reprend vite ses droits : certains pans au fond sont complètement habillés de branches et de racines.
La canne était déchargée des charrettes- bœufs en amont de la cheminée, puis était broyée dans un bâtiment où traînent encore des pièces volumineuses rouillées dont mon guide ne connaît pas encore la destination.
Il faut espérer que la municipalité saura leur trouver une place. Toutes les boiseries ont disparu des lieux. Deux morceaux d’origine, en bois de fer, ont été récupérés pour réaliser les linteaux du bâtiment restauré en contrebas. Les bois neufs sont entamarin.
C’est là qu’on stockait les sacs de sucre (de 84 kilos). Des restes de fosses à mélasse se découpent dans l’herbe. On remarque aussi sur ce site des canaux creusés pour acheminer l’eau (l’eau du Canal Mourouvin provenait de la Rivière de l’Est). D’ailleurs l’usine a fonctionné grâce au bois, à l’énergie hydraulique, puis à l’électricité. Des centrifugeuses ont été réhabilitées par le Cham.
Toutes les pierres entassées à la périphérie des constructions (environ 100 tonnes) ont été trouvées dans cet espace qui sera restauré prochainement.
M. Pierrard a aussi attiré mon attention, dans un espace qui devait être la cour, (zone de déchargement des cannes) sur la « calade » c’est-à-dire les surfaces pavées de gros galets de basalte, blocs qui ont été posés sur des arêtes pour assurer davantage de stabilité au terrain. Ce procédé pose problème sur des sites destinés à accueillir un public dont des gens à mobilité réduite, raison pour laquelle on ne réitère pas ce type de pavage. ( on en met toujours en oeuvre mais en adaptant aux contraintes des normes d'accessibilité handicapés)Je lui souffle qu’on pourrait prévoir des passages en bois…
Il me raconte aussi qu’un « gramoun » de Ste Rose, M. Bataille, revient régulièrement sur les lieux où il a travaillé autrefois pour lui parler de son vécu. Des témoignages qu’il conviendrait d’enregistrer et d’écrire avant que cette « bibliothèque vivante » ne disparaisse. Mais Emilien avoue qu’il ne peut pas se disperser, il a déjà fort à faire dans le suivi de ce chantier qu’il anime d’ailleurs avec professionnalisme : ses hommes respectent les règles de sécurité, mettent les masques quand ils tronçonnent, ont tous le casque et les chaussures de sécurité, travaillent dans le calme et ont envie d’apprendre.
(à suivre)