La coupe de la canne, un phénomène culturel.
Suite de l'article envoyé par Gérard
« Les volets économiques et politiques sont intrinsèquement liés aux deux autres ( social et culturel) . Notre culture exprime souvent une situation sociale tout en montrant une implication politique (quelle qu'elle soit).
Le début de la coupe est le moment de cérémonies souvent symboliques (baptêmes de couteaux) et parfois religieux (bénédictions catholiques ou hindoues). La fin de la coupe est plus marquée, notamment pour l'hindouisme. Si le catholicisme rythme indiscutablement la fin de la coupe par deux moments forts: Noël et le Nouvel An (Le calendrier est grégorien), l'hindouisme s'exprime fortement du fait même de la fin de la campagne sucrière. Religion essentiellement agraire, les "marches sur le feu", cérémonies diverses aux défunts, fête de la moisson (Pongol) cadrent parfaitement avec la saison.
Dernière venue mais ô combien méritée, la fin de la coupe ces 30 dernières années est ponctuée de la célébration de l'abolition de l'esclavage. Le 20 décembre n'a pas été choisie par hasard. Le gouverneur de l'époque, le célèbre Sarda Garriga, a dû lui même attendre la fin de la coupe de 1848 pour proclamer l'abolition de l'esclavage... Le 20 décembre est sans nul la célébration de la dignité humaine retrouvée et dont les ancêtres de beaucoup des Réunionnais avaient été cruellement privée.
Archives J.Dallem 2008 Fête de la Liberté au Tampon (Trois Mares)
Les anciens profitent de ces fêtes pour transmettre leurs mémoires et discuter des résultats des récoltes, évoquer les plus mauvaises ou les meilleures et rappeler que les cyclones sont toujours un danger. Les dictons, sagesses populaires, maximes se transmettent à ce moment.
La plupart des fêtes et musiques, séga et maloya, issues notre culture réunionnaise dépendent de la coupe.
Les cayambes sont faits à bases de tiges de fleurs de cannes. Beaucoup d'espèces variétales aujourd'hui ne donnent plus de fleurs, aussi les musiciens se tournent-ils vers d'autres matériaux. Quant aux puristes, il leur faut chercher plus longuement les champs où ont été plantées des cannes à fleurs. En général les planteurs laissent un ou deux carreaux de cannes à fleur pour la tradition.
Les fêtes avec tambours et feux, caractéristiques du 20 décembre, ont lieu pour marquer la fin de la coupe. Historiquement, ces fêtes avaient lieu aussi à cette date parce que les risques d'incendies étaient moindres (plus de risque de "feu dans la paille canne" selon l'expression créole...). Finalement la tradition des pétards est bien postérieure et leur interdiction n'est qu'une répétition de l'Histoire...
Voici rapidement tracées quelques lignes sur l'importance de la coupe pour notre pays. Un dernier point, la fin de la coupe est ponctuée aussi des klaxons des derniers cachalots* convoyant leur dernier voyage... C'est le signe pour nous autres planteurs que chaque tâche que nous effectuerons désormais comptera pour la prochaine campagne. Que Dieu nous garde. » Gérard M.
cachalots* : gros camions transportant la canne vers les sucreries.