Imaginez que vous habitiez à Lokaro, à 35 km de Fort Dauphin : le village dans lequel vous pouvez rencontrer un infirmier se situe à 3 heures de marche de votre case, et votre enfant a une plaie au pied. Alors voilà, vous êtes obligé d’accrocher votre enfant sur votre dos, dans un lamba, et vous vous mettez en route qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse une chaleur accablante. Et si votre enfant pèse 35 kg, vous ne pourrez pas aller à l’allure précitée. Voilà le lot de ces habitants !
Quand l’association AAHL arrive, c’est le soulagement. On a de quoi soigner les plaies pour prévenir les infections. Le Dr Abel, médecin habitant Fort Dauphin, arrive à la rescousse très souvent.
Pendant notre séjour, il est venu donner des consultations ; il était assisté de Ligia, son épouse, médecin comme lui.
Chaque mois, il fait le déplacement pour consulter devant une case du village. Il arrive même que les pêcheurs aillent à Fort Dauphin pour le rencontrer, à pied puis en taxi-brousse. Il faut bien compter 5 à 6 heures. Cette fois-ci encore il a dû donner des traitements antipaludéens, des antibiotiques, soigner des plaies, des toux chroniques, des ballonnements... Régulièrement il "vermifuge" ses patients. AAHL fournit des médicaments provenant de dons. Il paraît qu'à Mada, il existe un trafic éhonté de médicaments, il est donc plus prudent de donner ( habits, médicaments...) à des personnes de confiance qui remettent les dons en mains propres. Les colis sont souvent détournés.
Depuis que l’association œuvre, les mamans ont appris à ôter les parachs des pieds, mais souvent elles oublient de désinfecter la zone soignée… On a beau leur dire que l’enfant ne doit pas courir pieds nus dans la saleté, rien n’y fait. Deux mots qu’il convient d’apprendre très vite : « malout » et « madio » (sale et propre) ajoutez à ça « rrranou » et « mafana » (eau chaude) et vous avez déjà bien fait progresser les choses : laver une plaie à l’eau stérilisée n’est pas encore un acte automatique !
prévenir l'infection
soigner la fièvre : écraser le cachet, ajouter de la confiture pour mieux l'ingérer.
un ventre rebondi, signe qu'il faut "vermifuger"
M. Claire a emmené Laurence, une jeune maman, devant un réchaud à gaz pour lui expliquer comment stériliser le biberon. Le jour, où elle s’est présentée avec sa petite Florencia, âgée de 15 mois, l’enfant était déshydratée, sous-alimentée, faiblarde. Elle nous regardait de ses yeux hagards. Au bout de deux semaines de traitement ( boisson vitaminée, pain d’épice et Vache qui Rit, puis lait ) le bébé était métamorphosé, il avait repris des forces et avait l'oeil pétillant et la maman était radieuse ! Entre 15 et 18 mois , âge critique, où on passe mal du sevrage à l’alimentation, beaucoup de bébés meurent encore (3 enfants sont décédés l’an passé dans le village voisin). Là aussi, il est nécessaire de trouver un traducteur pour expliquer aux mamans que le riz ne suffit pas, qu’il faut ajouter du poisson, des fruits…
Razouazaf, une des mamans, s’est vu confier la responsabilité de gérer une mallette de pommades, d’antiseptique, de pansements… en l’absence de personnel soignant, elle peut intervenir sur des petits bobos.
Les villageois intéressés assistent aux soins d'une plaie : c'est Jean, le chef du village qui se fait soigner
Le lendemain de notre arrivée, nous avons demandé à tous les enfants de venir avec leur bol, et chacun a eu droit à « des vitamines » : des flacons d’une boisson lactée hyperprotidique et hyperénergétique, diluée avec de l’eau qui avait bouilli ( c’est Edwige, la femme du chef qui nous apportait l’eau qu’elle avait stérilisée chez elle. Régulièrement, même avant d’aller en classe, tous les enfants venaient. Un jour, j’ai surpris un petit qui complétait son breuvage avec de l’eau stagnante écopée par terre… Aïe, aïe. Sans le concours des enseignants et des mamans, on aura du mal à leur faire comprendre les dangers que leur fait courir cette eau. MC envisage d’apporter un jour un microscope…
De temps à autre l’association achetait des mangues ou des bananes pour les enfants. Les familles avaient aussi droit de temps en temps, à un capok (une mesure équivalant à une tasse)par personne, de riz. Un jour, nous leur avons aussi distribué des haricots rouges (salamachs). Si les familles se mettaient à planter ces légumes et ces céréales, elles ne souffriraient pas de la faim. Souvent, les villageois se contentent de manioc, le mangent cru. Comme ce tubercule cru est toxique, il faudrait le faire bouillir. Quoi d’étonnant aussi à ce que toutes les dents se déchaussent… La plupart des jeunes femmes sont déjà édentées. Nous avons hâte que les citronniers, goyaviers, papayers et autres arbres donnent leurs premiers fruits.
le manioc cru, une panacée pour calmer la faim ...
Une consultation chez un médecin coûte 3000 ariarys (un peu plus d’un euro) soit le salaire de plus d’une demi-journée de travail, et le médicament vaut aussi ce prix… ce qui dissuade les Malgaches d’aller se faire soigner… alors on fait comme Marie – Angèle, on croit bien faire et on met de la bouse de vache sur une plaie qui suinte, et voilà le mal empire !
Ou on fait comme ce pêcheur de langoustes et de zourites, on souffre d’une plaie laissée par une énorme brûlure, on la laisse à l’air libre, et on va pêcher. Cet homme nous explique qu’il n’a même pas 1000 ariarys pour acheter la plante qui cicatrise… Nous lui avons mis des pansements gras à trois reprises et lui avons donné les coordonnées du Dr Abel qui l’aurait soigné gratuitement, - l’association aurait pris le coût en charge - mais il ne s’est jamais présenté à l’adresse qu’on lui avait donnée.
Le"grand brûlé" soigné par MC.
Beaucoup de gens venaient aussi nous voir pour avoir un sirop contre la toux, mais MC a coupé court : il faut prévenir plutôt que guérir, elle essayait de les convaincre de ne plus faire de feu ou de fumer dans les cases, le mal venait de là !
Le problème est que l'association AAHL qui s'est engagée pour Lokaro, ne peut soigner les habitants de Vaturuk, le village voisin, qui à lui seul compte 300 âmes.(Dans ce seul village, on enregistre 20 naissance por 2010) On consent à intervenir sur les cas urgents seulement. Les finances et les moyens humains ne peuvent suppléer toutes les carences d'un système.
Et si les associations n’étaient pas là pour palier les manquements du gouvernement ?