Commençons par le commencement : un lazaret, c’est un « établissement de quarantaine». Pour éviter la contamination de la population par des passagers débarquant sur l’île, on acheminait les nouveaux arrivants dans ces bâtiments situés à quelque 5 km au Nord de la Possession, c'est-à-dire très loin des endroits habités. Quand ils débarquaient à Saint Denis, on les amenait ici en chaloupe (ou « canot »), et pour ceux qui arrivaient dans la baie de Saint Paul, c’est par voie ferroviaire qu’ils rejoignaient ces lieux. Ils devaient y rester en quarantaine. Cette quarantaine variait de deux à quarante jours, aucun nouveau venu n’y échappait. Selon le corps social dont on était issu, le confort n’était pas le même. D’ailleurs même sur les bateaux, on triait les passagers en 4 classes.
Les lazarets 1 et 2 situés à la Grande Chaloupe et un débarcadère aujourd’hui disparu, avaient été construits de 1860 à 1865 à l’occasion de l’arrivée massive d’ « engagés ». Comme l’esclavage avait été aboli en 1848, il a bien fallu compenser le manque de main d’œuvre et il a été fait appel à des « engagés », pas toujours volontaires, qui venaient d’Inde, d’Afrique, des Commores, de Chine et même d’Australie. Ces engagés qui signaient un contrat pour cinq ans, cherchaient une vie meilleure, fuyaient parfois un système politique.
En 1859, le choléra ravage l’île, introduit par un navire ramenant des engagés du Mozambique. Une veille sanitaire s’effectue à Saint Denis à bord des bateaux, puis les immigrants sont acheminés à la Ravine à Jacques, puis à la Grande Chaloupe. Ils sont logés par catégories, les plus fortunés étant dirigés vers le lazaret de St Denis.
Si les engagés indiens savaient se défendre contre les pratiques de leur propriétaire, non conformes au contrat, parce que soutenus par le protectorat anglais, il n’en a pas été de même pour ceux venus de Madagascar ou des Commores par exemple.
Lors de la visite guidée qui a eu lieu pendant le Journée du Patrimoine, nous avons eu droit à un topo intéressant sur l’engagisme. Mais nous aurions aimé connaître les conditions de vie de ces engagés dans le lazaret, cet aspect a été négligé malheureusement. Des récits de témoignages auraient également été les bienvenus.
Sur le site, on voit encore deux longères – bâtisses rectangulaires très longues- Dans le troisième bâtiment, l’infirmerie, (qu’on peut visiter), on remarque sur le sol, les noms des salles qui se succèdent en enfilade. Toutes sont vides, et les murs sont tapissés de panneaux explicatifs. Pas de lits, pas d’objets… rien qui rappelle l’existence de ces hommes et femmes isolés du monde. A droite, la chambre du médecin, puis la pharmacie, un dortoir, une pièce partagée par une salle d’attente et une infirmerie, encore un dortoir.
Il existait d’autres lazarets bien avant celui de la Grande Chaloupe, ils ont recueilli des esclaves jusque vers 1820 :
Fin du XVIIIe le lazaret de la Plaine de la Redoute à Saint Denis . Fin XVIIIe Lazaret de Saint Paul ou « Grande Maison » à Savanna ainsi que le Lazaret de la Rivière des Galets.