Roseline, responsable de la bibliothèque de L'Entre Deux, avait invité Ti Yab et Tit Cafrine à cette journée de la langue créole. Et ces derniers nous avaient demandé de nous joindre à eux.
Nous sommes arrivés sur la place de la manifestation vers 11 heures. Je pensais qu’il y aurait davantage de monde, mais c’était dans la bibliothèque que la plupart des gens étaient installés.
J’ai d'abord échangé quelques mots avec un musicien qui était en train de monter une corde en nylon sur son bobre. Il s’agit d’un instrument composé d’un bois de goyavier, d’une calebasse et d’une corde. Je lui ai demandé si les aigus étaient en haut ou en bas, il m’a dit que ce n’était que la position de la calebasse qui donnait la sonorité. En éloignant ou en rapprochant la calebasse du corps, on change le son de l’instrument.
Cela m’a permis de bavarder avec Daniel Waro, militant inconditionnel de l’apprentissage de la langue créole à l’école, conversation qui à elle seule vaut un article !
Puis, je suis entrée dans la bibliothèque où une conteuse racontait en créole l’histoire du volcan en faisant participer les enfants.
La salle était remplie d’auditeurs de tous âges qui buvaient les paroles de la conteuse : elle savait captiver l’auditoire par son langage imagé, sa douceur et son sujet. Il s’agissait de « in séans kont » comprénez « une séance de contes ». Anne Cheynet, une autre conteuse a pris le relais, mais je ne suis pas restée parce que je voulais voir les autres stands.
Il y avait là aussi « in stand pou bann lédision kréol » (K’A, Epsilon edition, Tikouti, Surya edition) avec des ouvrages illustrés pour enfants, des B.D, des contes, des textes de Leconte de Lisle…. J’ai fait un petit tour au stand de promotion de la langue créole où on essayait de convaincre les visiteurs de l’importance d’étudier le créole à l’école. Ce stand concernait « linformasion pou ésplik sak i fé dann lékol èk lévolision la lang ». J'ai pris note des arguments pour développer l’enseignement de la langue créole, sans être réellement convaincue par tous… De jolis dessins d'enfants légendés en créole ont retenu mon attention. Je ne m’y suis pas attardée, craignant d'engager une conversation stérile.
J’estime que cette complémentarité est importante, mais fixer une langue n’est pas une mince affaire et on voit bien que les enfants déjà en difficulté en orthographe en CE2 risquent d’être encore plus perturbés par l’écriture phonétique (pas harmonisée d’ailleurs, parce que chacun y va de sa graphie) et je suis bien placée pour savoir que les mots mal fixés dans l’enfance, on a du mal à les corriger, quelle que soit la langue qu'on enseigne ! Si en plus du langage SMS, on les fait écrire dès les premières années de primaire en créole (en autorisant 4 graphies pour le même mot), c’est l’illettrisme garanti ! Cela n’a rien de sécurisant et risque de porter préjudice aux enfants.
Le stand qui m’a vraiment séduite était sans conteste celui où il fallait reconnaître des plantes locales à partir de définitions en créole, d’observations de planches, et de graines. Dominique, une animatrice, très compétente, maîtrisait parfaitement son sujet et savait faire partager sa passion.
L’après-midi, nous sommes revenus sur la place où se tenait « in ronn kabar ». Au programme : Slam association Cœur de café, la mïzik ansanm A.Dijoux... Dans le kiosque à musique les groupes locaux jouaient et chantaient du maloya. Sur la place toujours peu de monde : des touristes écoutent puis passent, les plus jeunes préfèrent généralement sortir à la nuit tombée, ce qui explique peut-être cette désaffection.
Une journée très instructive, avec des rencontres sympas de gens passionnés par leur langue et leur pays. Nous sommes contents d’avoir pu nous plonger ces quelques heures dans la culture et la langue créoles.