… Ali Salem, auteur de La FUMEE D’ANTAN LONGTEMPS
Ce mois-ci, à la fête de Grand Bois, j’avais acheté un récit autobiographique d’un jeune né ici-même en juin 1978. Ali Salem, dans son livre «La Fumée d’antan, longtemps… » paru en juillet 2010, raconte son enfance à la Réunion. Il y parle de l’usine sucrière, de sa famille, de la coupe de la canne, des jeux, de la musique… autant de sujets qui l’ont marqué. Aujourd’hui, il est dans le monde du spectacle à Paris, il a quitté son île, avec regret, mais il fallait bien travailler pour gagner sa vie et à la Réunion, on est bien limité.
Suite à la lecture de cet ouvrage, j’ai contacté Ali Salem par email, par le biais de la Maison d’édition « Jets d’encre » et lui ai demandé l’autorisation de publier le passage concernant « le Bassin 18 », requête à laquelle il a répondu immédiatement très favorablement. Voilà donc cet extrait :
« Le Bassin 18 est situé à l’entrée de Grand- Bois. On peut encore passer par le petit pont. Imaginez-vous dans un bus bondé d’enfants, comme suspendu dans le vide, le spectacle reste impressionant. On a imaginé toutes sortes de grosses bébêtes peuplant ce bassin, qui aussi incroyable et étrange hante toujours nos esprits et semble abriter une vérité. »p.69
Je tiens à vous préciser qu’à la Réunion, « bébêtes » a le sens de « monstres » et non de « bestioles »
Dans son courriel, Ali me joint aussi le texte original qu'il avait remis à l’éditeur, un texte d’une cinquantaine de lignes, ô combien plus riche en informations. Mais voilà, la maison d’édition avait bien épuré ce passage. On y apprend par exemple qu’autrefois le niveau du bassin lui semblait plus élevé et que l’eau était plus profonde. Les enfants s’inventaient des pieuvres géantes, des requins « chagrins » assoiffés et des murènes, des trésors cachés par des pirates et surveillés par des monstres marins. Ils imaginaient un gouffre sans fond, un enfer d’où on ne revenait jamais.
Des croix signalent des corps disparus ici, jamais repêchés. Il suffisait d’évoquer les croix aux enfants pour les dissuader de s’y aventurer. Les lieux étaient hostiles : la mer qui se fracassait contre la roche, la falaise escarpée, très haute, l’aspect sauvage …
Vue en plongée du Bassin 18, manioc marron au premier plan.
Le bassin était aussi un bon moyen pour les parents de faire peur à leur progéniture. Quand l’enfant n'était pas sage, les adultes racontaient qu’il n’était pas leur fils, mais qu’ils l’avaient trouvé dans le Bassin 18 ; il arrivait aussi que les parents menacent d’y jeter le « marmaille » trop turbulent pour le punir. Oté ! lé fini ce temps-là...
Et si dans certaines contrées, on abordait le tabou de la naissance en disant que les garçons naissaient dans les choux, et les filles dans les roses, à Grand Bois, on expliquait que l’enfant était venu au monde dans le Bassin 18 ! Et pourquoi pas ?
Alors voilà, le Bassin 18 servait de prétexte : la naissance, la vie et la mort des Grands- Boisiens, tout tournait autour de ce lieu mystérieux, cauchemardesque. J’ignore ce qu’il en est à l’heure actuelle…
Merci à l’auteur pour toutes ces précisions.