La fête de Mariamann, déesse-mère.
Ce matin, vers 8h30, nous étions sur la plage ensoleillée de Saint Pierre pour nous préparer à faire du snorkeling dans une eau bien chaude, quand nous avons vu une femme et une jeune fille en sari jaune. Nous les avons abordées et elles ont confirmé qu’une cérémonie tamoule allait avoir lieu sur le bord de mer.
Un homme est venu et a balisé avec de gros coraux une allée conduisant à l’océan, c’est là que devait se passer la célébration. Bientôt on entendait se rapprocher les battements de tambours. Le « thêr» et son cortège étaient bientôt en vue et passait devant le local des maîtres-nageurs. Cortège coloré, très animé. Le « thêr » est un char sur lequel sont transportées les statues divines lors des processions. C’est une représentation mobile du temple, on dit plus souvent « têl ».
la procession arrive sur le rivage, précédée des tambours malbars, le lher reste sur la promenade, tourné vers l'océan.
Bientôt la plage était occupée par des groupes de femmes et d’hommes, les unes avaient devant elles des nattes sur lesquelles elles avaient posé des fruits (noix de coco, bananes, oranges, pommes, calebasses…), des feuilles de bananier, et d’autres feuilles ( ?) , des coupelles de feu, des bouteilles de lait, des récipients en cuivre. En fait, tous s’étaient retrouvés ici pour fêter leur « Marie », qu’on appelle ici « Marliem ou Marielem » Et le lait, les fruits offerts à cette divinité devaient célébrer la sainte mère, et la fécondité.
Sur des feuilles de bananiers, les offrandes dont les bouteilles de lait.
Une fête de famille riche de symboles
Les hommes quant à eux étaient tous debout et c’est à eux qu’incombait la tâche de fendre les noix en coco en deux avec leur sabre et de donner les plateaux et autres accessoires au maître de cérémonie.
Pendant que le prêtre tamoul, assis sur les coraux, récitait des prières au pied de trois symboles indiens, les femmes descendaient vers l’eau, qui pour prier en fixant l’horizon, qui pour puiser un peu d’eau et l’ajouter à des feuilles qu’elles avaient mises dans des coupelles de cuivre.
Purification et prières
Très longtemps, je suis restée à proximité de l’officiant, pendant que la foule de tamouls accoudés sur le garde-fou en bois grossissait. Ils suivaient la cérémonie sans la suivre vraiment, car cette fête était l’occasion de se retrouver et d’échanger. Une Tamoule m’a expliqué que le lait qu’elles avaient apporté allait être mis dans les récipients en cuivre puis emportées dans le char vers le temple. Et là, on verserait le lait récolté sur la divinité.
Prêtre tamoul sur les coraux de la plage de St Pierre
J’ai regardé avec attention le prêtre, qui inlassablement priait en tamoul en s’adressant à un vase rempli de feuilles surmonté d’un fruit et orné de fleurs de chrysanthèmes. De temps à autre, il jetait des fleurs de frangipaniers sur objet de culte, ou versait du lait de coco, il approchait aussi un plateau de cuivre (vatti) de l’objet qu’il vénérait. Des assistants lui coupaient les fruits, lui apportaient le plateau.
Parfois il agitait une clochette. Une fois aussi, il a saisi une branche tressée, vraisemblablement de vétiver et a continué sa prière: on appelle cette branche en créole "le telpé" (du tamoul tehrpeï) Il paraît que les pratiquants présent comprenaient tout ce qu’il disait. En réalité, sa prière est surtout destinée à demander la fructification de la terre. Parfois il approchait une flamme du destinataire de ses invocations.
un fidèle tend une noix de coco à l'officiant
Le prêtre asperge le trident de lait
Vers la fin de cette cérémonie, les tambours malbars accompagnaient le maître de cérémonie. Ce dernier s’est levé et a continué à psalmodier des textes tout en versant du lait de coco, du miel, et bien d’autres jus sur le trident fiché dans le sable, il a même dilué u n yaourt dans du liquide pour en asperger l’emblème. Enfin, il a posé une couronne de fleurs autour du trident. Cet arrosage a duré une bonne dizaine de minutes.
Et chose étonnante un groupe de femmes est descendu vers le rivage avec un drap, en a entouré un homme qui avait le dos piqué de grosses aiguilles. Quelqu’un a rejoint ce personnage sous le drap. Les femmes répétaient en chœur quelques paroles et un quart d’heure plus tard, de dessous le drap le couple est ressorti, les deux avaient le visage traversé par deux aiguilles au niveau de la bouche : on aurait cru qu’elles entraient dans une joue pour ressortir de l’autre. On ornait ensuite le cou de ce pratiquant "piqué d'aiguilles"de la couronne de fleurs qui avait été bénie.
Quand nous avons quitté la plage une heure plus tard, la cérémonie n’était toujours pas terminée.
L’an passé, le 2 mai nous avions assisté à cette cérémonie non loin du musée Stella Matutina (voir article) Cette célébration fait penser à la fête de la Vierge des catholiques quia également lieu à cette période (fin avril - début mai) et aussi à la fête célébrée encore aujourd'hui dans certaines paroisses en Allemagne, fête appelée "Erntedankfest" fête pour bénir la moisson : on pose là des fruits et légumes sur l'autel avant l'office.
Mariamann est aussi la déesse de la pluie !